CRASH D’UN AVION DE LA RAF EN JUILLET 1944

SUR LE TERRITOIRE DE MAUBRAY

                                                                            Omer HELLIN

               Le débarquement des forces alliées sur le sol français remontait au 6 juin 1944.  La « bataille de Normandie (juin-août 1944) » qui s’ensuivit, une des plus grandes batailles de la seconde guerre mondiale sur le théâtre militaire européen, battait son plein

               Les troupes coalisées bénéficiaient au sol de l’appui de l’aviation, laquelle accomplit par ailleurs de nombreuses interventions sur le territoire français. Ainsi, en particulier, les avions de types bombardiers s’attachaient à démanteler les nœuds de communication terrestres afin de retarder la montée vers le front des renforts allemands : les ponts et les gares étaient leurs cibles privilégiées.

                C’est dans ce contexte que, le 18 juillet 1944 à 22h28, un bombardier de la Royal Air Force britannique (RAF), - le LANCASTER LL943 du 115 Squadron – décolla de la base de Witchford, près de Cambridge (UK), en ayant pour mission d’aller déverser son flot de bombes sur l’important nœud ferroviaire d’Aulnoye (commune d’Aulnoye-Aimeries), près de Maubeuge, dans le département du Nord, en région Nord-Pas-de-Calais.

L’équipage était composé de sept aviateurs (trois officiers et quatre sergents) :

- Deux officiers australiens :
  1. le lieutenant Robert PELLEW, célibataire de 21 ans, pilote et commandant de bord,

  2. le sous-lieutenant Eric TIBBITS marié, 32 ans, navigateur.

- Un officier canadien :

   Le sous-lieutenant Fraser HOLLENBACK, célibataire de 20 ans, bombardier.
- Quatre sergents britanniques :
  1. Albert MORTON, mécanicien de bord,

  2. Edward WAKEMAN, célibataire de 21 ans, opérateur radio/mitrailleur,

  3. Frederik ALLEN, célibataire de 29 ans, mitrailleur,

  4. Henry SIMMONDS, célibataire de 19 ans, mitrailleur.

 

               Les installations ferroviaires d’Aulnoye subirent certes d’importants dommages, mais la population locale paya hélas un lourd tribut consécutif à ce raid : 17 victimes civiles furent dénombrées.

                La vie des sept aviateurs s’arrêta lors du retour de leur quadrimoteur vers sa base de Witchford. Ce retour passait normalement par Leuze et abordait la mer du Nord à hauteur d’Oostduinkerke ; l’appareil ne devait donc pas survoler le Forêt domaniale de Flines (qui se trouve à cheval sur la frontière franco-belge). C’est à hauteur de Valenciennes qu’il fut intercepté et mitraillé par un chasseur de nuit de la Luftwaffe et, de ce fait, dévié de sa route. Il était 01h15 environ, le 19 juillet 1944, lorsque le bombardier s’abattit, en flamme, dans la Forêt domaniale, ses débris se trouvant disséminés sur le territoire de Maubray, à la limite de Flines et Laplaigne. A cet endroit, une sablière fut ultérieurement exploitée et mise sous eau en fin d’exploitation, ce qui créa le « lac du prince ».

 

         

Photos prises par Serge ROMMES

 

               L’odyssée du Lancaster fit l’objet d’une recherche très approfondie effectuée par le colonel en retraite Gabriel BAUTERS (de Hollain), ancien commandant militaire de la province du Hainaut et de l’école de logistique de Tournai. L’ouvrage richement illustré de photos et cartes détaillées qu’il publia en 2009 – « L’énigme du Lancaster LL943 » - recèle une foule d’informations des plus intéressantes sur l’opération proprement dite. Le présent reportage s’en inspire grandement.

               A l’exception du corps du sergent SIMMONDS, demeuré quasiment intact grâce à l’accrochage de sa tourelle de mitrailleur dans un arbre, et de celui du sous-lieutenant Fraser HOLLENBACK qui put également être identifié, les corps des autres membres de l’équipage ont été retrouvés carbonisés et déchiquetés. La dépouille du sergent SIMMONDS fut immédiatement inhumée dans le bois, dans le plus grand secret, à proximité de l’endroit du crash, grâce à l’intervention rapide de résistants locaux qui opérèrent en cachette des Allemands ; à la libération, elle fut transférée au cimetière de Laplaigne. Quant à celles de ses compagnons d’infortune, elles prirent place au cimetière Saint-Roch, de Valenciennes.

               La photo de gauche ci-dessous exhibe la tombe du sergent SIMMONDS, au cimetière de Laplaigne.

Celle de droite montre les sépultures des autres aviateurs, à Valenciennes : la tombe individuelle de Fraser HOLLENBACK et la tombe commune des cinq autres aviateurs ; à côté de la pierre tombale d’Edward WAKEMAN, on note la présence de sa sœur June, en 2010 (elle était déjà venue en 1949).

           


Laplaigne

Photo « La voix du Nord »
                       

               J’avais 10 ans à l’époque. Je me souviens d’avoir fait partie de la horde des nombreux curieux (oserais-je plutôt faire état aujourd’hui, avec l’âge, d’une curiosité morbide ?) qui se rendirent sur l’emplacement du crash, tous avides de récolter des trophées de toutes sortes provenant de l’épave de l’appareil. J’étais par ailleurs revenu à la maison après avoir récupéré un morceau de fenêtre en mica. 

                A l’initiative du colonel e.r. BAUTERS, une stèle commémorative à la mémoire des sept aviateurs a été érigée au beau milieu de la forêt, à proximité du site du sinistre, au lieu-dit « La Cavée » ; son accès y est possible – mais uniquement à pied en ce qui concerne les derniers hectomètres - tant à partir de France que de Belgique. La stèle se trouve en territoire français, l’endroit exact du crash ayant été occupé plus tard par la sablière puis par le « lac du prince », comme signalé supra. Son inauguration eut lieu le 5 septembre 2010 en présence d’autorités françaises, belges et britanniques, ainsi que de délégations militaires et de représentants d’associations patriotiques. C’est la sœur du radio de bord WAKEMAN qui dévoila la stèle.

                Les représentations photographiques suivantes concernent, d’une part celle de la stèle, et d’autre part celles de l’inauguration du 5 septembre 2010 :

 















Inauguration (photo de « La voix du Nord »)
Dans le bois de Flines Stelle in memoria LL943
La stèle
Stelle LL943


June WAKEMAN, sœur du radio, dévoile la stèle
 
Le colonel e.r. BAUTERS durant son allocution
 

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Ci-après une photo de l’équipage, avant sa tragique disparition, tirée de « L’Enigme du Lancaster LL 943, page 109 » (1):

 Crew LL943

(1) L’ouvrage est toujours disponible au domicile de l’auteur (Gabriel BAUTERS). Tél : 069/44 34 53.

 

L'Avenir du 26 juillet 2019 relate la mise en place de panneaux didactiques dans la Forêt de Fline