Monsieur le Bourgmestre,
Je m’adresse à vous en cachette de mon mari. S’il apprenait que je vous écris, il serait furieux car il a sa fierté. Mais cela ne peut durer !
J’ai peur, j’ai peur pour mon homme, mes enfants. Nous avons tous peur dans notre petite ferme. La vie y devient intenable.
Depuis que nous avons repris le bail - un bonnier de terre à l’Est du village - une sourde animosité, apparue dès l’occupation, s’accentue et tourne au drame. On nous a menacés des pires ennuis. Il y a huit jours, on nous a brûlé une meule, on a planté une croix dans le champ. Hier, nous avons perdu une vache ; nous avons découvert des clous piqués dans les betteraves. Aujourd’hui, on nous a empoisonné notre chien ! Et pourtant, ce bonnier de terre qu’on nous prétend frappé de mauvais gré, abandonné par l’ancien locataire qui avait refusé l’augmentation modique du loyer, était en jachère depuis plusieurs années et rempli de mauvaises herbes.
Nous n’osons plus sortir de notre maison. Tout le monde nous fait grise mine, certains ont des gestes menaçants ! Nous sommes pourtant d’honnêtes gens qui ne demandent qu’à vivre en paix. Je vous en prie, faites quelque chose Monsieur le Bourgmestre, pour nous qui ne savons plus que faire. Nous sommes au bord de la ruine, du désespoir, peut-être de la mort ; de grâce, protégez-nous.