Son et Lumière du 3 septembre 1961
Poème de Maurice Brabant : "Si Maubray m'était conté"
3 septembre 1961 Maurice BRABANT ***************
Mesdames, mes respects, mes hommages Messieurs !…
2. Que de gens assemblés !… Je n’en crois pas mes yeux Et devant tant de chic, de charme, de dentelles :
4. Je rougis de plaisir, comme une jouvencelle !… Je voudrais ce doux soir, sans vaine prétention,
6. Rencontrer votre cœur par Lumière et par Son… Car si je suis craintif à montrer mon visage,
8. On prétend que je suis … le plus coquet village !… Je me présente enfin, geste de bon aloi :
10. Je suis … < Maubray> … Messieurs, vous entendez ma voix ! Et vais pendant un temps, vous conter mon Histoire,
12. Car, si je suis petit… J’ai des titres de gloire !… Conquête sur les bois, vers l’année Onze cents,
14. Leur sève m’a légué la grâce du printemps… D’un Comte, j’ai reçu le nom, en héritage,
16. Son « renom » rejaillit sur mon champ, mon bocage !… Combattant valeureux, ardent, fier et jaloux,
18. En brave, il défendit son grand « Château des loups » Contre les malandrins habiles aux pillages,
20. Tuant les paysans dans mes verts pâturages !… Mais, c’est dans mes forêts, dans mes bois de « Glançon »
22. Qu’il conquit hardiment son plus joli fleuron : Il était grand chasseur !… Amoureux fou de Diane,
24. Pour la Belle, il vécut la passion partisane !… … Toujours Diane eut chez nous, les amants les plus doux :
26. Des Comtes, des Barons … jusqu’à Monsieur Leroux ! … Le Comte de <Mombré>, au détour d’une haie,
28. Fut happé brusquement par une énorme laie… Il rendit sa belle âme un clair matin de Mai …
30. Les Anges, ce jour-là, … ont pleuré sur Maubray !… Pour la postérité, il me laissa en gage :
32. Une veuve éplorée et trois fils en bas âge Bébés roses, joufflus potelés à souhait,
34. Jouent aux Ménestrels en sirotant leur lait… Mesdames, il est temps ! Oui ! … De les faire taire
36. En exemple à Dumas, pour ses « Trois Mousquetaires » Nous les retrouverons ? - « Vingt ans après » !… - Bravo !
38. Fiers autant que beaux, et par monts et par vaux , Mes joyeux compagnons, sur simples haridelles,
40. Prenaient du bon temps, lutinant les pucelles … Couraient au Saint Lieu vite sans confesser …
42. Arnulphe, leur Curé, les en a bien fessés! … Mais comment résister au bon Pierre L’Ermite,
44. Ah ! … Quant à la Croisade, enfin ! … Il vous invite Deux de mes trois héros, enrôlés les premiers,
46. Partirent à cheval … Aboutirent à pied ! … Que de rudes combats ! ! … Que d’assauts intrépides !! …
48. Autour de mes Croisés … Partout c’était le vide Jusqu’au jour où , hélas ! … A deux contre deux cents ! …
50. Ils périrent debout ! … en versant tout leur sang ! … Debout ! … Dos contre dos ! … Cloués à même lance !!
52. Près du tombeau du Christ et pour sa délivrance ! … La Devise resta ! … <Cul à Cul Waudripont> ! …
54. Excusez-moi, Mesdames … mais c’est sur mon blason! … Les deux preux disparus … Poussière en Terre Sainte ! …
56. Leur frère malheureux - A vous parler sans feinte !- Au cours d’une tempête, en perdit la raison
58. Et dans l’étang voisin … se noya sans façon ! … Les hommes trucidés … Il nous reste les femmes :
60. Maigne de Waudripont qui conquit bien des âmes Jacline des Cordes, lionne au franc jupon ! …
62 Si Tournay mit un jour, sa Belle sous un pont Figée dans le roc, hésitante, sans voile …
64. Trop vives sous mes murs, mes Belles , mes Etoiles N’eurent jamais le sort d’une « pierre à plaisir »
66. Et c’est dans votre cœur, qu’il vaut mieux les chérir ! … Triste, funèbre « Mil six cent soixante-seize » ! …
68. Année détestable, époque de fournaise ! … Car il ne reste rien de ma noble Cité ! …
70. Holocauste soumis à l’agressivité ! … Et le « Château des loups » et l’église si riche,
72. Depuis l’humble maison jusqu’à la simple niche, Tout fut rasé ! … brûlé ! dans mes champs fécondés ! …
74. Tel fut le résultat du siège de « Condé » … Amis intéressés, devant tant de misères …
76. Je vous laisse écouter, la plainte de mes pierres ! … Deux jours après déjà, près de l’église en ruine,
78. Grince le gai grillon et fleurit l’aubépine … Et ce fut alors que, sous les murs calcinés,
80. On entendit, soudain, le cri d’un nouveau né ! … Le père impatient, sur ce chant d’espérance
82. Se remit au travail, en dépit des souffrances Sûr de son avenir, béni par ses aïeux
84. Sa pioche il reprit, son marteau et son pieu… Tel que le papillon changeant sa chrysalide
86. Sous la cendre encore chaude et malgré ses yeux vides A force de pleurer : « Maubray » se reconstruit :
88. Maison après maison poussent comme des fruits … Mais pour qu’il soit plus beau et plus digne d’envie
90. Chef d’œuvre fut créé « La ferme de Morlies » Admirez-la Messieurs ! … Malgré ses trois cents ans,
92. Les orages, le vent, la patine du temps, Dieu ! Comme elle est altière et comme elle est gentille :
94. Sa tourelle et sa cour et sa grange bastille, Son écurie si … vaste que, quinze nuits,
96. Un escadron entier s’installa et dormit ! … Pour mieux vous accueillir, à l’ombre de ses pierres
98. Coquette, elle a vêtu sa robe de Lumière … Plus tard à ses enfants, cachant mal son orgueil,
100. Elle lira vos noms, sertis dans un recueil ! … Fontenoy ! Mes amis … Ah ! La jolie guerre
102. Uniformes pimpants … Tactique sans mystère On vous aligne bien, dans un grand champ fleuri,
104. Face à face et en rang ! … Saluts ! … On se sourit, On joue de la jambe, on risque une courbette,
106. On pince le jabot, rentre la mignonnette, On se lance un clin d’œil noyé d’aménité,
108. Et la civilité dure une éternité, Car on attend que l’autre ait rendu la pareille …
110. En ce gracieux duo, le Français fait merveille, L’assaut de politesse il le gagne à tout coup !
112. Mais le sort du combat n’importe pas beaucoup… Notre voisin si cher a vaincu de deux toises
114. Car l’histoire a gravé ses phrases si courtoises « Pardieu ! Monsieur l’Anglais ! … Tirez donc le premier » ! …
116. … L’insulaire atterré … ne s’est pas fait prier … Or les soldats blessés, ramassés dans la plaine
118. Ici furent soignés, … le cour en était pleine, Et tous les Maubraisiens de franches amitiés,
120. A ces braves Français se sont sentis liés ! … Sotte diplomatie, ô vanité cruelle ! …
122. Un traité fut signé, celui d’Aix-la-Chapelle Arraché à la France à qui va votre cœur
124. De l’Autrichien obscur, je refais le bonheur … ……….
126. Dans les prés, le hibou appelait son amie En ce beau soir d’été si tranquille et si doux,
128. Rien ne laissait prévoir l’attaque du trois août ! … La Ferme, place forte, asservie à l’Autriche
130. Lentement se mourait parmi la terre en friche … Depuis de trop longs ans, sous un vieux chef sournois,
132. S’étiolait en ses murs un bataillon viennois ! … Et l’œil de l’occupant, nostalgique aux montagnes,
134. Incapable d’aimer nos trop calmes campagnes Se voile d’inaction, d’ennui, de consomption
136. Aveugle aux soubresauts de la révolution … L’Hydre aux bonnets phrygiens lance ses tentacules
138. Elle inscrit ses exploits en lettres majuscules : Le vaillant Dumouriez va frayer son chemin
140. Ivre de liberté, Maubray lui tend la main ! … Soudain, en un éclair, la bataille fait rage
142. L’ennemi, pris de peur, s’affole dans l’orage ! En vain s’acharne-t-il à pointer ses canons,
144. L’assaillant est trop proche et demande raisons ! … Jamais on n’avait vu un assaut si farouche,
146. Corps à corps sans pitié car chaque coup fait mouche ! … On se tue partout dans la grange, la cour,
148. Sur les toits embrasés, on entend des cris sourds Des râles angoissés, des plaintes d’agonie
150. Le nom d’une « Maman » ou d’un Dieu qu’on renie !… Trois heures de combats ! … Bientôt cesse le bruit
152. Les derniers Autrichiens s’égaillent dans la nuit… C’est alors qu’on se compte à la lueur des flammes
154. Parmi les rescapés, on reconnaît … deux femmes ! Les soldats leur font fête et clament leur bonheur,
156. Car la victoire est due à l’ardeur des deux sœurs : Fleming Félicité, Théophile l’Ainée ! …
158. Deux filles de Mortagne ont fait ma destinée ! … Mil huit cent trente et un ! Vive la liberté !
160. Un roi nous est donné, flattant notre fierté Du sang versé à flots germe l’indépendance
162. Hélas … dans la région s’enlise la souffrance - Du sinistre Maugré - O haine si fatale ! -
164. L’orgueilleuse Maubray en est la capitale … Les loyers sont doublés par les Princes d’Antoing
166. Le paysan s’indigne et brandit haut le poing ! Pourtant la location est d’un prix dérisoire
168. Mais l’occupant têtu a serré la mâchoire Il reste ! Il veut rester sur son champ de labour
170. Car s’il est fécondé, c’est grâce à sa sueur Ne voulant pas payer, chassé à coup de lance
172. Refoulé dans la haine il trame sa vengeance Du nouvel occupant il sape le bonheur
174. Et distille sur lui le venin de son coeur Sont fauchés les blés verts au cours des nuits bien sombres,
176. Le bétail décimé, la grange : des décombres ! Et la gendarmerie, en vain, serrant les dents
178. Ne trouve aucun appui auprès des paysans Le Maugré tend son voile obscur de grand mystère
180. Partout ce n’est que vols, sévices et misère Mais la coupe déborde et les abus trop grands
182. Deux meurtres sont commis dans la rue à Grand Camp ! Pour juguler ce mal, ce fléau si horrible
184. D’urgence il faut créer un exemple terrible ! Malgré ses alibis, un coupable arrêté
186. Jugé et condamné, est vite exécuté … Le curé des pourceaux malgré la guillotine
188. Hante encore les esprits, la nuit dans les collines Cependant dans le bourg, l’ombre de l’échafaud
190. A refroidi l’ardeur, l’ire d’un sang trop chaud ! Le calme revenu dans la ferme fleurie
192. S’écoulent des beaux temps presque sans l’euphorie Le bon curé vainqueur, grâce à ces chapelets
194. Marie Montaigus aux ardents Capulets O bien sûr ! Il y eut les deux si grandes guerres !
196. Les chœurs entrelacés des marches militaires A l’instar de Paris, clamons l’évènement
198. Maubray fut libéré par nos seuls résistants ! Et depuis quelques mois, pour que la cité vive,
200. Un syndicat est né ! Belle initiative ! Et tous les Maubraisiens unissent leurs efforts!
202. Du Tournaisis
nouveau vont aider à l’essor … |
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